Quels sont les impacts majeurs de la FOAD sur les organisations?

Arnaud COULON (ORAVEP)   chargé de mission FOAD à l'ORAVEP (Paris) répond.

Ils sont nombreux et il est difficile d'en isoler quelques uns. Les plus importants me semble concerner l'organisation de la formation et par conséquent les métiers de la formation. En ce qui concerne l'organisation, de manière un peu provocatrice je dirais que l'on tend vers une industrialisation de la formation. Travailler en Juste à Temps, tendre les flux, n'est-ce pas en fait le rêve de certains prestataires (mais aussi entreprises) qui s'engagent vers une instrumentation grandissante des systèmes… ? Produire ce dont on a besoin, quand on en a besoin, pour répondre à la demande. Quels sont les avantages d'une telle démarche ? C'est bien entendu des réductions tous azimuts, une rationalisation de la production :
réduire les délais de réponse
réduire les temps morts, synchroniser au mieux les opérations
réduire les stocks
réduire la taille des lots produits
réduire les coûts
garder une capacité disponible sans voir d'invendus et de stocks
coller à la demande en réduisant les manques à gagner pour un meilleur niveau de service

L'outil en vogue actuellement et qui semble répondre à ces impératifs industriels, ce sont les plates formes de télé formation.
Les métiers et je pense tout particulièrement aux formateurs sont en train d'évoluer avec deux axes forts : d'une part (et dans le meilleur des cas) le développement d'une activité davantage orientée conseil que formation, privilégiant une démarche de type gestion de projet (ensemblier) et d'autre part (et dans le pire des cas) un appauvrissement des tâches et activités avec des formateurs tuteurs (payés à la vacation) qui n'interviennent plus du tout sur les contenus, agissant comme des télé opérateurs en centres d'appels à des moments "négociés" par le client (flexibilité oblige) et isolés de tout travail collectif mais ayant tout de même un rôle de commercial afin de s'assurer que le client reviendra bien on-line ! Compte tenu de l'expérience et du recul acquis sur le dispositif de formation de formateurs Autofod (www.autofod.com) je peux vous assurer que la partie n'est pas gagnée, non pas que les formateurs soient "résistants au changement"… je dirai plutôt qu'ils sont sceptiques compte tenu du peu de moyens (humains, financiers, techniques, en temps…) que leur organisation respective mettent en œuvre.
Quelques constats à ce niveau s'imposent : une grande difficulté à définir une stratégie; une question récurrente (comment passer du stade expérimental au déploiement) qui n'a pas trouvé de réponse adéquate; quid de la solvabilité de l'offre FOAD aujourd'hui, existe t-il une réelle rencontre entre une offre et une demande… les expérimentations et projets portés dans le cadre du Fonds social européen ont eu des effets contradictoires car d'une part ils ont permis les dites expérimentations et ont donc participé au changement mais d'autre part tout cela a induit une logique économique peu fiable sur le long terme; une difficulté à imaginer d'autres formes d'organisation; un manque de trésorerie bride énormément les actions de type recherche et développement ainsi que les investissements matériels (le taux d'obsolescence du matériel informatique est important parfois sur un an compte tenu des évolutions au niveau soft et mémoire notamment) nécessaires à la mise en œuvre de nouvelles modalités de formation; Le ratio vacataire permanent rencontrés dans bon nombre d'organismes de formation n'est pas favorable. En effet, la recherche de flexibilité est essentiellement axée sur une flexibilité externe qui trouve rapidement ses limites lorsque l'on aborde le problème de la gestion des compétences, du savoir faire de l'entreprise, de l'expertise "maison" !
(octobre 2000)

 

Annie JEZEGOU est chef de projet développement de nouveaux dispositifs de formation à l'IHT (Institut de l'Homme et de la Technologie) à Nantes.

Annie JEZEGOU

Quelles sont aujourd'hui les grandes tendances de la formation à distance ?

A. J.: La formation à distance véhicule plus que jamais une certaine forme de valorisation du mirage technologique. Ce dernier apparaît souvent comme principal vecteur du développement de la formation à distance, sans pour autant poser la question des conditions à créer pour favoriser les apprentissages à distance. Le qualificatif "ouvert" juxtaposé à celui de "distant", à travers l'émergence de la FOAD (formations ouvertes et à distance), tente de contrarier cette dérive techniciste, dans laquelle s'engouffrent, pour des raisons explicitement économiques, de plus en plus de prestataires du multimédia communicant. A ces deux dérives, techniciste et économique, s'ajoute le plus souvent une certaine forme de perfectionnisme pédagogique. Jamais avec l'émergence de ces nouveaux dispositifs, nous avons autant réfléchi sur la pédagogie (du projet, de la motivation, de la réussite….). A titre d'illustration, nous n'avons jamais été autant préoccupés par la question fondamentale de l'évaluation (pédagogique, d'effet, d'efficience…) alors même que les pratiques d'évaluation en face à face se limitent encore le plus souvent d'un bilan de satisfaction de fin de stage.

Qu'entendez-vous par Formations Ouvertes et A Distance ?

Les FOAD sont riches et multiformes. Elles renvoient à plusieurs configurations de dispositifs : centres de ressources, e-formation, campus numérique, enseignement à distance traditionnel, téléformation, autoformation intégrée à la situation de travail. Ces diverses configurations posent des véritables difficultés de choix d'ingénierie, mais aussi et surtout des problèmes liés à la complexité du montage, de la mise en œuvre et de l'évaluation du dispositif retenu, en fonction d'un ensemble de dimensions stratégiques et organisationnelles. Au printemps dernier, lors de la conférence de consensus sur la FOAD, réunissant plus de 15 experts nationaux (praticiens-chercheurs de tous milieux : entreprises publiques et privées, consultants, universitaires….) et à laquelle j'ai participé, nous avons posé une définition de la FOAD dans un rapport qui fera prochainement l'objet d'une publication. Vous pouvez consulter la synthèse de ce rapport sur le site www.fffod.org . Plus concrètement, il s'agit de monter des dispositifs qui trouvent leur originalité dans l'articulation de différents modes et lieux de formation. Cet aspect est fondamental, car il éclaire sur le fait que les dispositifs de FOAD s'organisent autour d'une complémentarité de situations d'apprentissage - autoformation accompagnée, en ligne, en face à face de type magistral, travail en sous-groupe, équipe projet…- et de lieux d'apprentissage - centre de ressources, domicile, amphi, entreprise…. La qualité de cette articulation constitue une des principales dimensions susceptibles de favoriser l'autonomie dans les apprentissages.

Mais comment expliquer alors "la distance" en formation?

On réduit souvent la notion de distance aux aspects géographiques et temporels entre un apprenant "isolé" et les prestataires pédagogiques. Il convient cependant de préciser que c'est le formateur qui est mis à distance, à travers la médiatisation de ses connaissances et les différentes modalités d'accompagnement qui peuvent être proposées à l'apprenant via les NTICs : l'Internet, plate-forme de formation… Dans cette perspective, on s'appuie sur une approche constructiviste, l'apprenant se trouvant en prise directe avec le savoir, et non pas dans une logique académique de transmission directe des savoirs. Par ailleurs, il est fondamental de souligner l'importance de la distance pédagogique et psychologique établies avec l'apprenant. En effet, à quoi sert-il de mettre à disposition, via les le multimédia communicant, tout un arsenal de ressources technologiques ou autres, sans se poser la question de la qualité de la relation pédagogique établie, à distance ou non, par le formateur?

Vous préconisez donc d'aller davantage vers un accompagnement sur-mesure?

Vous posez là tout l'antagonisme des FOAD : Comment proposer des prestations "sur-mesure" dans le cadre de dispositifs régis par des exigences de productivité pédagogique et économique ? Comment individualiser une formation de masse ? Dans les faits, la tendance est de développer "des formations sur mesure de masse" . Cette tendance est inféodée à une forte exigence d'industrialisation des contenus, on ou off line, et de standardisation des parcours d'apprentissage. Dans les faits, l'individualisation se limite le plus souvent à donner à chacun une certaine liberté de choix du temps et du lieu de formation. En fait, il s'agit d'une individualisation restreinte qui fonde le recours au qualificatif "d'ouverture". Mais, je suis optimiste, car la plupart des projets de FOAD menés en entreprises ou en organismes de formation qui se situent au-delà de la phase d'expérimentation révèlent les limites de cette forme très réduite de l'individualisation, et donc "d'ouverture".(Octobre 2000)